Marie-Josée Lépine est une artiste peintre et auteure de Québec. Mais c’est avant tout une humaine qui s’inspire des autres humains pour les toucher et les faire réfléchir. Rencontre avec une femme qui se lève heureuse chaque matin car elle a choisi cette vie.

Crédit photo: Étienne Dionne

Marie-Josée Lépine artiste peintre et auteure Crédit photo: Étienne Dionne

Marie-Josée, tu te promènes constamment entre deux arts. Dirais-tu que ton écriture influence ta peinture, ou vice-versa?

Il n’y a pas de silo. Lorsqu’un thème m’inspire, il m’inspire dans tout. Si l’écriture n’est pas la meilleure forme pour m’exprimer, je change pour la peinture. Et vice-versa. En écriture, je veux magnifier le monde pour mieux en voir les travers. En peinture, je veux procurer un temps d’arrêt, inspirer, faire réfléchir.  Je m’intéresse à la notion de perfection, de bonheur, de l’accumulation des demandes et des exigences. Dans ma nouvelle collection de peinture, je laisse délibérément du vide. Parce que souvent dans nos vies, lorsqu’il y a du vide, on cherche à le remplir. Alors oui, mes deux arts vivent en même temps, ils se nourrissent mutuellement.

Comment te sens-tu quand tu t’exprimes à travers ton art?

Je me sens vivante. Longtemps j’ai eu l’impression d’être spectatrice, de voir le train passer, mais de ne pas embarquer. Ça fait deux ans que je ne suis plus sur le frein et ça fait du bien. Maintenant, quand je suis en création, j’ai l’impression d’exprimer quelque chose et de participer à la société. Quand je termine un texte dont je suis fière, ça me remplit de façon permanente. Chaque journée me tente parce que j’ai choisi ma vie. Je suis maitre de ce que je fais. Et ça me procure un bonheur en lame de fond. Ça me rend heureuse. Parce que le bonheur est plus grand avec la liberté.

Aimes-tu te mettre en danger, sortir de ta zone de confort?

C’est un acte que je fais au quotidien. Je dis toujours oui et ça me met dans le pétrin. Mais quand je m’engage, je livre. J’accepte tous les projets. J’aime faire les choses pour la première fois.  Je suis toujours en train d’apprendre et de me remettre en question. J’aime les défis, les nouveautés et essayer.

Faire face - Marie-Josée Lépine

Faire face – Marie-Josée Lépine

Autant dans la peinture que dans l’écriture, tes doigts sont sollicités, as-tu une relation particulière avec le sens du toucher?

La peinture, c’est très sensuel. Dans la texture, dans le mouvement, dans l’acte de création, mon corps et ma tête sont en symbiose. Je laisse place au chaos et à l’erreur. C’est très physique, presque comme de la danse. L’écriture est moins liée au sens, c’est plus mécanique et froid. Tout se passe dans ma tête, je peux entendre les répliques des personnages. Je suis vraiment dans mes pensées, pas dans mon corps.

D’où provient ton inspiration?

L’humain en écriture est une source inépuisable d’inspiration. Je l’adore et le déteste. J’aime observer les relations, les faiblesses et les forces des gens. J’aime les humains individuellement, mais collectivement, ils me rendent folle. Ils portent à la fois la beauté et la noirceur, le meilleur et le pire. D’ailleurs, j’adore mettre les paradoxes en lumière. Personne n’est à l’abri de se retrouver dans mes écrits.

Quelle est ta définition de la créativité?

C’est l’idée de mettre en relation des éléments qui existent déjà pour leur donner un sens nouveau. Pour moi, la créativité, c’est tout ce qui est à l’extérieur de ce qu’on doit faire. C’est sortir du convenu, de l’habituel pour générer de l’inédit. L’image qui me vient en tête, c’est une personne qui marche en sens inverse dans une foule. Je crois aussi que la créativité est quelque chose que l’on doit solliciter, il faut y travailler.

 

Plonger - Marie-Josée Lépine

Plonger – Marie-Josée Lépine

Quel rôle joue l’intuition dans ta vie?

C’est au cœur de toutes mes décisions et de toutes mes créations. Je n’analyse pas de façon rationnelle. Si mon intuition ne le sent pas, c’est non. En art, c’est fondamental. Quand je peins, je n’ai pas d’idée fixe, je suis seulement guidée par une émotion, un sentiment.

Quel conseil donnerais-tu à une personne qui réprime son côté artistique par peur du jugement?

On devrait toujours se comparer uniquement avec soi-même. Malheureusement, on se compare à ceux qui nous inspirent le plus. En faisant ça, on est toujours à la remorque. Je crois qu’il n’existe pas un sentier unique. Quand on est trop vieux pour faire quelque chose qu’on aime, c’est qu’on est mort. Il y a juste nous qui nous retenons. Il faut se tasser de notre propre chemin. Et ne pas être la somme des attentes des autres. Il y a toujours d’autres chemins, si tu n’es pas sur le bon, tu vas en trouver un autre. Il faut avoir confiance. Vas-y! Fais-le! Fonce!

Est-ce que l’on peut concilier art et richesse?

Une chose est sûre, je ne crois pas que l’on devient riche avec les biens matériels. Ce qui est difficile, c’est d’être tiraillé entre garder la sécurité et aller chercher quelque chose de nouveau. Comme je n’ai pas besoin de mon art pour vivre, je peux faire des toiles qui ne cherchent pas à séduire tout le monde. Ça me permet de ne pas figer mon art. Quand je fais une exposition, c’est sûr que je veux que ça marche. Mais avant tout, je présente des toiles que j’aime et dont je suis fière. C’est important de rester honnête envers soi-même.